"Léon
et Olvido sont jumeaux. Léon est porteur d'une trisomie 21 et s'est
fait renvoyer de plusieurs établissements spécialisés. Après la mort
de leurs parents, Léon se retrouve donc chez sa soeur, qui vit dans
des conditions précaires. 'Entre eux, l'amour fraternel et les pulsions
fratricides se mêlent'. Voilà pour l'histoire, mais ici, on est très
loin du sentiment de protection qu'on avait pu ressentir dans d'autres
films. Ici, les personnes trisomiques (Guillem Jiménez dans le rôle
de Léon) sont des personnes capables d'exprimer leurs désirs, leurs
colères, leurs projets, leur humour, leur tendresse, capables aussi
de se confronter à une réalité pas toujours idyllique. On est à des
années lumières de toutes les représentations simplistes des 'trisomiques'
que l'on a pu voir ici et là. On m'a rapporté des sentiments de malaise
dans le public espagnol. Il est vrai que ce film peut déranger et va
déranger, d'une part parce qu'on est pas habitué à voir des personnes
trisomiques menant une vie quasi 'ordinaire', que la notion de protection
est enfin mise de coté, mais aussi parce que le thème des relations
frère/ soeur a été traité avec toute l'ambiguïté que l'on peut imaginer.
Je ne suis pas critique de cinéma, mais je pense que ce film peut nous
aider à continuer à changer l'image des personnes porteuses de trisomie
21 dépendantes, fragiles, asexuées..." Sylvia Gaymard.
"J'ai vu le film à Toulouse, lors du festival Cinespaña, en présence
du réalisateur et des acteurs. Des membres du Geist de Toulouse ont
pu rencontrer Guillem et sa Maman assez longuement, avant la projection.
Pour ma part, je partage le sentiment de malaise, à la projection du
film, car tout ce que vous dites de positif sur l'aspect de l'expression
des sentiments, désirs, etc., du jeune Leon (Guillem), est, à mon avis
complètement annihilé par un trop pesant négatif de l'ambivalence des
sentiments de la frangine, qui la pousse à réitérer par trois fois des
tentatives, que je suis bien heureuse que mon fils (de seulement 15
ans, il est vrai) n'a pas saisies. Trois fois c'est beaucoup, surtout
avec les réactions des services sociaux montrées, tout cela un peu trop
poussé à mon avis. Je vais simplement retranscrire ce qui est écrit
dans la plaquette de présentation, une réponse du réalisateur: 'Il ne
s'agit pas d'un film sur le syndrome de Down, mais d'un film avec des
personnages qui souffrent de ce syndrome, et d'autres qui n'en sont
pas atteints. Ce qu'il raconte, ce sont les rapports entre ces personnages,
présentés sans mystification, sans détours, mais sans, non plus forcer
la note'. Voila, pour moi 'sans forcer la note' me semble en dessous
de la réalité du film. Comme le dit le réalisateur 'dans le rythme normal
de la vie quotidienne' : tentative de parricide (on en voit trois!),
inceste (deux fois bien que filmés avec discrétion, mais ne laissant
pas de doute), prostitution (de la frangine un peu malgré elle tout
de même, après la perte de son emploi et le départ de son compagnon
vers un pays lointain). Est-ce la vie quotidienne de monsieur tout le
monde ? Est-ce que nos jeunes peuvent tirer bénéfice de la vision de
ce film ? Nous-mêmes ? Le grand Public ? C'est ainsi que je me pose
la question. Si nous avions rencontré les acteurs après la projection,
au lieu d'avant, j'aurai essayé de demander à Guillem son avis sur ces
aspects des tentatives de parricides, d'inceste, et la prostitution
de la frangine. Avant, nous ne savions pas que l'ambivalence des sentiments
dans ce film étaient d'une dimension aussi extrême. Quand je vois la
sensibilité des jeunes avec T21 que je rencontre ! Si l'acteur a 'saisi'
tout le réel de ces aspects-là, il peut en être très affecté. Ou alors
il n'a pas tout compris !" Renée B.
"Moi aussi , j'ai vu le film. Je crois, après réflexion et après
avoir lu les messages de Renée concernant le film, que nous le regardons
d'une façon totalement subjective et orientée. Comme le réalisateur
l'a bien dit, il ne s'agit pas d'un film sur la trisomie, or, nous avons
été le voir parce que l'un des acteurs était trisomique (moi, personnellement
c'est la seule raison qui m'a poussée à aller voir ce film). Je pense
que beaucoup d'entre nous le trouvons bien (c'est mon cas) parce que
j'ai vu plus de points positifs que négatifs. D'abord le film est bien
fait, les acteurs jouent bien et l'ambiance de l'Espagne industrielle
du Nord est bien représentée. C'est sans doute caricatural, mais les
relations entre les différents personnages sont représentées avec justesse.
Evidement que toutes les soeurs ne s'amusent pas à essayer de supprimer
leurs frères handicapés, et par trois fois en une heure et demie de
film, mais dans des conditions de vie très précaires où le matériel
l'importe obligatoirement à un moment ou à un autre, je ne suis pas
sure que Olvido soit la seule au monde à avoir des idées de meurtre...
même si tout le monde ne les met pas forcement à exécution. Quant à
l'inceste, dans les conditions de vie des personnages, je ne crois pas
non plus que ce soit si rare, et ça encore ça n'a rien à voir avec la
trisomie. La prostitution ? Je n'ai pas vu de prostituée dans ce film,
mais une jeune fille à bout qui doit survivre et un certain nombre de
gens qui profitent de sa situation. Je pense que nous nous trompons
dans l'analyse du film. Le réalisateur a fait un film qui veut montrer
la vie précaire d'une jeune fille qui en plus d'essayer de survivre
toute seule, doit prendre en charge son frère handicapé. Nous, en tant
que parents de personnes trisomiques, nous voulons y voir un film sur
la vie d'un jeune trisomique et ce n'est pas ça. Pour les points positifs
dont personne ne parle, dire quand même que ce jeune trisomique est
très débrouillard dans le film et que dans la vie réelle il a l'air
au moins aussi bien (dixit mon père qui l'a vu la semaine dernière dans
un interview à la télé espagnole). Le film m'a mis mal à l'aise, certes,
mais pas à cause de l'inceste, le meurtre et la prostitution. J'ai eu
mal au coeur pour ces enfants qui doivent survivre tous seuls dans les
conditions que l'on voit. Allez le voir si vous pouvez. D'autres personnes
pourront nous donner leur avis. Mais ne pensez pas voir que du beau
et encore moins un film sur la trisomie, vous serez déçus. Je crois
effectivement qu'il serait dommage de priver Guillem d'une médiatisation
qu'il mérite. Il a eu beaucoup de courage et de mérite. En Espagne c'est
une star, il passe à la télé avec Pablo Pineda et ils sont montrés tous
les deux comme des exemples de ce que peut faire une personne trisomique.
Moi, en tant que mère d'une petite fille trisomique je regarde les exploits
de ces jeunes gens avec émerveillement. Guillem a eu une chance énorme
d'avoir trouvé un réalisateur qui veuille le faire travailler dans un
de ses films. Il a été étonnant comme acteur. Lors de la médiatisation
du film, c'est sur Guillem qu'il faut mettre l'accent et non pas sur
'l'éthique' du film. Des film bons, mauvais, éthiques, non éthiques,
on en voit tous les jours, mais combien avec des acteurs trisomiques
? Guillem mérite d'être connu et je regretterais profondément qu'on
se limite à des considérations éthiques et qu'on ne le médiatise pas
comme il se doit. Mon avis est que la FAIT 21 doit se mobiliser pour
la sortie de ce film. Seulement, il ne serait pas de trop d'informer
les gens sur ce qu'ils vont voir. Ce n'est pas un film sur la Trisomie
! Pour ceux qui ne l'on pas vu, il vaut mieux le voir avant d'y amener
ses enfants, pour savoir s'ils sont prêts ou non avant de leur montrer.
Je n'ai pas d'expérience sur les adolescents trisomiques. Intuitivement
je dirais quand même que je voudrais que ma fille le voie après l'age
de 15 ou 16 ans mais je ne sais pas..." Rosa Pérez-Miguel, Présidente
de l'Association Soraya.
"Un film pour moi est un film, c'est-à-dire une oeuvre de fiction
(je n'aime pas du tout le cinéma réalité). Ce que je préfère du film,
c'est l'acteur qui donne une vision très positive des personnes trisomiques
: à travers son personnage on retrouve bien la sensibilité et
l'humour des trisomiques. C'est un personnage sympathique, agréable
qui peut changer la vision des gens sur la trisomie. Dans son travail
d'acteur, il joue remarquablement bien, il est capable d'exprimer toutes
les nuances du personnage. Là aussi c'est un bon point pour l'image.
Si je reviens voir le film ce sera pour le voir jouer. Pour l'histoire
elle-même, elle pose de façon excessive bien sûr (puisqu'il s'agit d'une
histoire) le problème de la fratrie. Pour moi je ne sais pas si avoir
un frère ou une soeur handicapée est aussi problématique qu'on veut
bien le dire. Il y a sans doute un sentiment de culpabilité (qui doit
être encore plus terrible lorsqu'il s'agit de jumeaux comme dans le
film). La jalousie envers le frère qui demande plus d'attention c'est
sans doute vrai dans la petite enfance. Reste le problème sujet du film
: le poids que peut devenir la personne handicapée pour ses frères et
soeurs à la disparition des parents. Si l'on veut absolument que le
film contienne un message c'est bien celui de dire aux parents qu'ils
doivent préparer leur enfant à leur survivre en l'aidant à quitter le
cocon familial, à créer d'autres liens, à acquérir une certaine autonomie
affective. Il y a bien évidemment le problème financier en plus : nous
faisons tout pour que nos enfants deviennent autonomes mais si nous
n'avons pas de fortune à leur léguer comment pourront-ils vivre avec
une simple allocation ? Mon fils trisomique a 22 ans, son frère a deux
ans de moins. Il n'a pas encore vu le film." N. Fraga.
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